Conclusions du colloque
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4. La psychologie moderne est venue à notre secours pour nous aider à mieux
cerner cette philautie, dont l’orgueil
est l’aboutissement ultime, comme l’avaient déjà compris les Pères du désert.
Déjà saint Antoine le Grand notait que l’orgueil est l’ultime tentation du
moine et que l’humilité est son antidote absolu.
La grande tradition monastique avait déjà analysé les méandres
psychologiques infinis de l’orgueil (idolâtrie du soi incertain et non
aimé ?), comme elle a discerné les périlleux progrès dans l’humilité
(saint Macaire d’Egypte, Epistula ad
filios Dei ; saint Benoît, Règle
7 ; saint Jean Climaque, Echelle).
Cette mise en parallèle des résultats des recherches contemporaines en
psychologie et de la tradition (saint Jean Climaque en particulier) donne à
penser et ouvre des perspectives pour la formation des nouvelles générations
monastiques au combat spirituel.
Ne pourrions-nous pas définir l’ascèse de l’humilité comme cette attention
admirative d’autrui (mon frère est meilleur – diraient les moines) et comme la
juste estime de soi des serviteurs de la parabole qui ont reçu cinq et deux
talents ?
5. L'ascèse est une lutte pour arriver à la vérité sur soi devant Dieu, à
ses propres yeux et devant le frère, la sœur. Elle est aussi _un combat pour
l'agapé. Mieux vaut sans doute traduire agapé par le verbe aimer.
Saint Maxime le Confesseur nous a rappelé que la création de l'homme et sa
re-création en Christ Jésus, notre nature authentique, n'a d'autre but que
l'homme puisse recouvrer librement sa capacité d'aimer Dieu et le prochain. La
lutte contre les passions (contre nature, para physin) conduit, avec
l'aide de Dieu, à l'apatheia (l'impassibilité) qui habilite l'homme à la
communion d'amour avec Dieu et avec le autrui. Saint Luc de Simphérapol est un
exemple merveilleux de cette agapé, aimer dieu et le prochain.
Le fruit du combat pour l'agapé est aussi l'unification intérieure_
de l'homme, l'intégrité de son être-corps, âme et esprit. « Là où deux ou
trois sont réunis en mon nom, là je suis au milieu d'eux » (Mt 18,20).
Depuis Clément d'Alexandrie au moins, cette union s'entend déjà de
l'unification de la personne, corps, âme et esprit. Jean Climaque (Ad
pastorem 100), saint Serge de Radonège et saint Séraphim de Sarov nous
l'ont rappelé:
« Que l'esprit et le cœur soient unis dans la prière et que les pensées de l'âme ne soient pas dispersées … Le cœur est ardent de ferveur spirituelle, et dans cette ferveur resplendit la lumière du Christ, qui remplit l'homme intérieur tout entier de paix et de joie » (Saint Séraphim de Sarov).
6. Le cœur de l'homme est le lieu de la rencontre avec Dieu, de sa
visite. Il est aussi le lieu où se déroule le combat spirituel. Lieu d'écoute
de la Parole
de Dieu qui purifie le cœur, lui donne intelligence et sagesse, lui donne la
force de l'obéissance. Lieu et source des pensées de méchanceté, enseigne Jésus
(Mc 7,21-23; Mt 15,19), le cœur doit devenir libre et s'unifier comme nous l'avons
entendu à plusieurs reprises.
Mais il y a d'autres lieux du combat spirituel: le monde en sa
mondanité et l'Eglise qui toujours de nouveau doit se laisser conduire au
désert par son Epoux.
Le métropolite Georges (Khodr) nous a rappelé que le combat spirituel du
chrétien n'a pas seulement lieu dans le cœur de chaque croyant. Il a pour enjeu
l'unité de l'Eglise de Dieu et la communion entre les Eglises de Dieu. Dans
l'Eglise se poursuit le combat du Christ Jésus pour rassembler dans l'unité les
enfants dispersés de Dieu (Jn 11,52). « Dans le combat spirituel pour l'unité
de l'Eglise, la crédibilité de l'Eglise sur terre est en fonction de son
témoignage de communion ecclésiale. Or la communion ecclésiale a un langage,
celui de l'amitié d'abord. » (Georges Khodr).
A ce niveau aussi, la kenosis, l'anéantissement jusqu'à la mort sur
la croix du Messie, trace un chemin d'humilité pour les Eglises. Purifiées par
le sang du Verbe incarné, elles mèneront le beau combat de la foi (cf. 1Tm
1,18) pour que la charité prévale.
Et le métropolite Kallistos nous propose un enseignement tout proche, celui
du combat pour le salut des hommes et des femmes, nos contemporains.